Cet essai nous plonge au cœur des fêtes rituelles et de la transgression– ses stratégies, les instincts de survie, de pouvoir, de cruauté ou de quête qu’elle suscite et, parfois, sublime. En fugue échevelée et triomphale, il arpente les siècles et décrit avec verve et une précision de scalpel baroque (texte concis pour dire le chaos) l’évolution, les flambées excessives ou les énergies sourdes des bacchanales et de leur équivalent, de l’Antiquité à nos jours.
Erudit de mots, de musique et de peinture, tous siècles confondus, son auteur se prend au jeu et nous entraîne aux sources du mythe de Dionysos et de Bacchus; il décrit les cultes dont ils ont été l’objet, les manières dont chaque période s’est approprié le mythe en fonction des besoins, du rapport à la vie et de l’implacable certitude de la mort. En terreur ou en jubilatoire provocation. Il raconte Le grand macabre de Ligeti ou Le sacre du printemps aussi bien que des tableaux du Titien, Xénophon ou Mort à Venise, traquant les figures symboliques des cérémonies humaines qui, de «folâtres bacchanales», se sont muées en «grinçantes sarabandes» aussi bien qu’en jouissante «frénésie profane».
Mais que deviennent Dionysos et Bacchus, ces «intempérants magnifiques», dans l’actuelle «orgie de la tolérance»? Jean-Noël von der Weid décèle, comme un acte de foi, les «monstrueux désirs d’excès» qui continuent à cogner dans le cœur et le corps des hommes. Et on ressort de ce livre enrichi de sensations d’absolu, «en-thousiate» ou terrifié, pris dans le cortège trépidant et séculaire des mythes, du dépassement frondeur qu’ils débrident et de tous les garde-fous qui tentent de les canaliser. En vain.