Il y a toujours ou presque, dans les romans de Yôko Ogawa, une quête initiatique. Ses personnages ont un manque qu’ils doivent apprendre à combler, une difficulté relationnelle qu’ils doivent arriver à surmonter, tels ce professeur amnésique (La formule préférée du professeur), cette fillette asthmatique (La marche de Mina) ou encore cette femme abandonnée (Les tendres plaintes). Au centre de son dernier roman traduit en français, deux ans après sa sortie au Japon, un «monsieur aux petits oiseaux» dont on ne connaîtra jamais le vrai nom et qui lui aussi peine à trouver sa place.
Alors qu’il parvient parfaitement à comprendre les émotions des oiseaux, cet homme est bien emprunté lorsqu’il s’agit de communiquer avec ses semblables. En marge de son travail de régisseur, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est s’occuper de la volière de l’école enfantine voisine. Jour après jour, il répète les mêmes gestes, parle aux oiseaux. Cette routine le rassure. S’il a demandé à accomplir bénévolement cette tâche, c’est pour mieux rendre hommage à son frère aîné, qui parlait la langue des oiseaux et qu’il était le seul à comprendre. Roman d’une insondable mélancolie, parlant d’inadaptation au monde et stigmatisant la peur de l’autre et le poids de la rumeur lorsque la méfiance l’emporte sur le raisonnement, Petits oiseaux n’a pas le souffle de certains des livres de Yôko Ogawa. Mais il trouve, dans sa narration ténue, une petite musique qui, au fil des chapitres et des événements mineurs qui s’y déploient, envoûte profondément.
Afin de ne laisser aucun suspense quant au destin du «monsieur aux petits oiseaux», l’écrivaine ouvre son texte sur sa mort. «Il vivait seul et son corps avait été découvert plusieurs jours après le décès.» L’homme est mort dans son fauteuil, un oiseau – dont on apprendra plus tard l’histoire – dans les bras. L’écriture de Yôko Ogawa est simple, limpide. C’est ce qui fait la force de ses histoires: on s’y glisse avec aisance, on y trouve sans forcer notre place malgré leur caractère intime. Ce qui n’est pas sans poser problème: on n’a jamais envie d’en sortir.
«Petits oiseaux». De Yôko Ogawa. Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle. Ed. Actes Sud, 272 p.