Pour avoir vu quelques-unes des expositions itinérantes consacrées à la catastrophe du Titanic, pour connaître les sections dédiées au navire dans les musées maritimes de Greenwich et de Halifax, pour être plus que rassasié par les célébrations du centenaire en 2012, j’attendais avec scepticisme cette énième mise en scène des reliques du paquebot légendaire. L’exposition de Palexpo, à Genève, ne varie certes pas beaucoup de sa halte précédente en Suisse, à Zurich, il y a quinze ans (l’actuelle publicité «Pour la première fois en Suisse» fait preuve d’un bel aplomb…).
Mais elle a de l’allure. Plongé dans une pénombre sépulcrale, le parcours commence par une originalité: un hommage aux 27 Suisses qui étaient à bord du Titanic, embarqués en première, deuxième ou troisième classe. Puis la chronologie du drame, bien mise en contexte, se déroule avec efficacité. A part peut-être une allusion prudente aux différences sociales à bord, le propos de ces «vrais objets et vraies histoires» n’est pas sociologique, ni scientifique ou anthropologique. Dommage, tant, par exemple, l’aide du sociologue genevois Jean-Pierre Keller, auteur d’un essai remarquable sur le Titanic, aurait apporté des explications bienvenues.
C’est bien une exposition-spectacle avec tout ce que le terme comporte de dramaturgie mais aussi de superficialité. Les reconstitutions de cabines ou du grand escalier sont soignées, comme est frappante l’évocation glaçante d’un iceberg bleu, immobile sous une voûte étoilée.
Les objets ramenés à la surface brillent dans le noir, enchâssés dans des vitrines qui ne font qu’accentuer leur statut de reliques profanes. C’est un inventaire qui mêle des pièces du grand paquebot, des accessoires de bord (pot de chambre compris) et des effets personnels de passagers rescapés ou noyés. L’inventaire des émotions, lui, entrelace le voyeurisme macabre, le trouble devant ces témoignages inertes remontés des abysses, ces pièces et hublots qui attestent de la violence de la tragédie, la perplexité devant un mythe qui ne cesse de s’engendrer lui-même, génération après génération.
Titanic ne trompe pas sur la marchandise: c’est un spectacle conçu pour produire de la sensation à grand tonnage. Soyons justes: l’exposition parvient à ses fins avec une grande maîtrise.