Le Lausannois Djerem, résident au Mad, propose des cours privés et collectifs de «deejaying», où il parle technique de mixage, mais aussi marketing. Reportage.
Il fait une chaleur d’enfer dans le salon de Djerem. Qu’importe. Le DJ lausannois qui monte, résident du Mad après avoir débuté au D! Club, continue à s’affairer derrière sa console. A ses côtés, Rémy, 18 ans, est tout ouïe. Le jeune étudiant est là pour apprendre à mixer, pour s’entraîner à enchaîner deux morceaux house en les calant au tempo. Même si le deejaying est depuis quelques années à la portée de tout un chacun à la faveur de la mise sur le marché d’appareils aux prix de plus en plus abordables, rien ne vaut les conseils live d’un virtuose des platines.
«Toutes les huit mesures, soit environ toutes les quinze secondes, tu as une phrase musicale, explique Djerem, Jérémy Party au civil – ça ne s’invente pas – à son élève. Il faut que tu apprennes à les repérer pour pouvoir couper les morceaux au bon endroit. Car les enchaînements doivent être progressifs afin que les gens ne se rendent pas compte du changement. La plupart des morceaux possèdent également deux pauses. On peut les couper à l’une ou à l’autre, ce qui est excellent pour surprendre le public. Mais attention, il faut parfaitement connaître les morceaux.» Rémy acquiesce, avant de s’essayer à un exercice pratique. Les enceintes vibrent, le jeune homme transpire un peu plus.
Des effets mais pas trop. Naguère, la plupart des ados rêvaient de devenir des rockstars, de renverser les stades comme le Boss Springsteen. Ça, c’était avant l’avènement des musiques électroniques. Aujourd’hui, en voyant la vie de ministre des David Guetta et autres Swedish House Mafia, qui courent le monde dans leurs jets privés, qui sont devenus de véritables marques, ils se fantasment en DJ, les bras en l’air et les écouteurs autour du cou, devant une table de mixage et surtout devant des milliers de spectateurs hurlant comme un seul homme. Guère étonnant, dès lors, de constater l’intérêt croissant des festivals traditionnels pour les DJ, du Rock Oz’Arènes d’Avenches au Paléo de Nyon, qui vient de voir défiler Kavinsky, Breakbot ou encore le vétéran Etienne de Crécy.
Djerem s’apprête justement à prendre part à la grande soirée électro organisée le 16 août, à guichets fermés, par Rock Oz’Arènes. Avec Guetta et Daddy’s Groove en têtes de gondole. Tout en assurant durant tout l’été des cours privés, avant de reprendre à la rentrée, au Mad, une série de cours collectifs – un projet initié l’an dernier en partenariat avec l’Ecole-Club Migros. Ce jour-là, c’est donc Rémy qui découvre comment apprivoiser une console professionnelle, notamment comment gérer les multiples effets qu’elle propose. «Je n’en utilise que deux, comme un filtre permettant de couper les basses ou les hautes fréquences afin d’accélérer les montées, lui confie Jérémy. Surtout, il ne faut rien préparer en avance, à part des playlists de base à conserver sur une clé USB. Mieux vaut improviser en fonction des réactions de la salle.»
Après une heure de cours, facturé soixante-cinq francs contre trente pour soixante minutes en mode collectif, Rémy est ravi, lui qui s’entraîne quotidiennement entre une et deux heures. Son rêve: produire son premier titre et tenter, avec un ami, de délaisser les soirées d’anniversaire au profit des clubs. Mais pas facile, dans un milieu de plus en plus saturé, de faire sa place. Or là aussi, Jérémy a de précieux conseils à lui donner. Le Vaudois rédige en effet actuellement, en marge de son emploi d’ingénieur et de chef de projet aux CFF, une thèse sur le développement d’une carrière de DJ, qu’il défendra à la Haute Ecole de gestion de Genève. «David Guetta a montré qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur la technique, mais que le marketing est également très important. Il faut savoir se vendre.» Lors des cours qu’il propose sous l’appellation de Swiss DJ School, qui devrait prochainement devenir une société anonyme, Djerem aborde aussi des questions liées au choix du nom d’artiste, à la communication et à la recherche des premiers contrats.
Clip tourné à Miami. Né en 1987, Jérémy Party mixe depuis maintenant sept ans. Le virus, c’est DJ Antoine qui le lui a passé. Soit l’artiste suisse ayant écoulé, tous genres confondus, le plus de singles à travers le monde. Parmi les stars internationales qu’il admire, Djerem cite Martin Solveig, Axwell et l’incontournable Guetta. Sous contrat avec une ambitieuse agence zurichoise, il a décidé cette année de passer à la vitesse supérieure. Il a ainsi profité d’un set donné en mars dernier à Miami lors de la Winter Music Conference pour tourner en Floride le clip, qui sera lancé prochainement, de So Beautiful. Un morceau sur lequel il a invité la belle Xenia Tchoumitcheva et Chris Willis, chanteur entendu sur de nombreuses productions estampillées… David Guetta. Deux indéniables atouts marketing.
Le DJ helvétique, qui a à son actif près de cinq cents soirées sur ses terres et à l’étranger, est conscient qu’un hit pourrait le propulser au sommet. Mais il sait aussi que le succès peut être éphémère, de même qu’un single boudé par les clubs et le public est capable de tuer une carrière dans l’œuf. «J’estime que moins de vingt personnes vivent du deejaying en Suisse», concède-t-il, tout en espérant être le prochain à devenir professionnel.
Djerem poursuit en août son Summer Tour 2013: il sera le 10 à la Street Parade de Zurich après avoir animé entre les deux villes le Synergy Train, le 15 au Gros Week-End (Pontarlier), le 16 à Electroz’Arènes (Avenches), le 24 au Venoge Festival (Penthalaz) et le 31 au Mad (Lausanne). www.djerem.com