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Amos Gitaï, cinéaste de la mémoire et de l’espoir

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Jeudi, 18 Septembre, 2014 - 05:57

Témoignage. A l’honneur au Musée de l’Elysée et la Cinémathèque suisse, le réalisateur israélien commente pour «L’Hebdo» deux photographies.

Architecte de formation, le cinéaste israélien Amos Gitaï s’est bâti, en quatre décennies, une filmographie essentielle, entre documentaire et fiction, où il est question d’amour, de mort, de culpabilité, de religion et de tolérance. Mais aussi, en filigrane, des valeurs perdues de l’Etat hébreu et des racines du conflit avec la Palestine. Pour lui, la forme est aussi importante que le fond, d’où d’incessantes et passionnantes recherches esthétiques. Alors que la Cinémathèque suisse distribue son dernier film, Ana Arabia, et lui consacre une rétrospective, le Musée de l’Elysée expose son travail, entre vidéos, photos de plateau, archives et travaux préparatoires.

«Ana Arabia» (2013)
«Un jour, ma coscénariste, Marie-José Sanselme, m’appelle pour me signaler une dépêche publiée à la suite de la mort d’une survivante d’Auschwitz qui s’était convertie à l’islam après avoir épousé un Arabe. «Tu ne crois pas que tu pourrais prendre cela comme une idée de film?» me demande-t-elle. Au début, j’étais un peu hésitant. Mais quelques semaines plus tard, après de nouveaux massacres en Palestine et en Israël, mais aussi en Syrie et en Irak, je l’ai rappelée pour lui dire que j’allais faire un film parlant d’une coexistence possible dans un univers brutal. Comme je ne tranche pas entre les Juifs et les Arabes, j’ai décidé de traduire cela en langage cinématographique, de ne pas couper mon film et de le réaliser en un seul plan-séquence. C’est facile à dire, mais créer une chorégraphie de 80 minutes, c’est très compliqué. Il faut un timing très précis entre les mouvements des caméras et ceux des comédiens, et prendre en compte les changements de lumière. Ce que vous voyez à l’écran est la dernière prise, la neuvième.

Le film possède, c’est vrai, une dimension philosophique. Mais le terme de film politique ne me fait pas peur car, face à une situation aussi compliquée que celle du Moyen-Orient, l’écrivain, l’artiste, le cinéaste doit exprimer sa voix. C’est même son devoir. Prenez Guernica, de Picasso. C’est une très grande œuvre, mais aussi la réaction d’un peintre à la suite des bombardements de la Luftwaffe.»

«Kippour» (2000)
«Cette photo de moi a été prise durant le tournage de Kippour, un des films sur lesquels j’ai le plus réfléchi. La guerre du Kippour a éclaté en octobre 1973 et ça a été une sorte de carrefour, puisque c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’abandonner mes études d’architecture pour devenir cinéaste. Je faisais partie d’une équipe de secouristes et me suis retrouvé, lors d’une intervention, dans un hélicoptère visé par un missile syrien. Le copilote a été décapité, beaucoup de gens sont morts. Cet incident n’a pas duré longtemps, au maximum trois minutes, mais ça a été une expérience forte, dramatique, et j’ai mis beaucoup de temps avant d’en parler. Même mes amis les plus proches n’étaient pas au courant de ce que j’avais vécu. En 1993, vingt ans après la guerre, j’ai raconté cette histoire à Samuel Fuller et il m’a dit qu’il fallait que j’en fasse un film. Mais je n’avais jamais fait de film de guerre. Il m’a alors conseillé de partir de mes souvenirs, en opposition aux réalisateurs qui surdramatisent parce qu’ils n’ont pas fait l’expérience de la guerre. Ça a été un bon conseil.

Le tournage de Kippour a été extrêmement intéressant d’un point de vue méthodologique: comment faire un film sur le chaos en sachant que le rôle d’un metteur en scène est de l’ordonner, de le structurer. Un jour que l’on tournait sur le plateau de Golan avec deux cents personnes, un tankiste m’a dit que j’avais trouvé une façon assez onéreuse de faire ma psychanalyse.»

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