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«Je suis plus fort à l’écran que dans la vie»

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Mercredi, 10 Septembre, 2014 - 05:56

Rencontre. Dans la nouvelle comédie de Jean Becker, «Bon rétablissement!», il est coincé dans un lit d’hôpital et il râle beaucoup. Discussion à bâtons rompus avec Gérard Lanvin.

Il s’est réveillé à Lyon, se couchera à Paris, mais, pour le moment, le voici dans une suite feutrée d’un palace genevois, où il défend, en compagnie du réalisateur Jean Becker, Bon rétablissement!, une comédie admirablement dialoguée et rythmée, dans laquelle il incarne un vieux bougon se retrouvant contre son gré coincé dans un lit d’hôpital. Gérard Lanvin est fidèle à lui-même, du moins à l’image du mec droit dans ses bottes qui est la sienne depuis ses débuts au tournant des années 70. Il a la poignée de main solide et le tutoiement facile. Derrière de petites lunettes rondes aux verres violets, on devine un regard franc quand il nous fixe, tout en répondant instinctivement. Ça fait cliché, mais c’est vrai: on a l’impression de converser avec un pote.

Promotion

«C’est le côté répétitif qui est fatigant. Mais quand on aime un film, ce n’est pas très inquiétant. On est speed, mais dans une émotion positive. Certains films sont plus difficiles à défendre. Tu en as qui sont fragiles, faibles. Tu sais, c’est toujours pareil, on dit le nouveau film de Lanvin, mais moi, je n’ai jamais fait de film, je suis juste l’acteur. Et quand tu dis oui à quelqu’un, tu ne sais pas toujours à qui. Il y a des mecs très convaincants qui ne savent pas le faire, et des mecs très timides qui savent très bien le faire. Quand tu fais de la promotion, tu vends le film parce que ton nom est porteur, mais parfois il ne te plaît pas vraiment, et là, c’est plus dur. Mais ça ne m’est jamais arrivé de refuser de faire de la promotion, car je suis respectueux des gens qui me font manger. Tu te dois de rester un homme propre, d’avoir des principes.»

Jean Becker

«On se connaît depuis trente ans. J’aime ses films comme j’aime ceux de Sautet, Blier ou Tavernier. Il y avait le désir de travailler avec lui, mais si je n’avais pas senti le coup, je ne l’aurais pas fait. On dit que les acteurs doivent tout jouer, mais non, ils doivent jouer ce qu’ils sentent. Becker, il a un tempérament fort. Il est très directif, très rigoureux. Il peut s’énerver, mais directement derrière il devient charmant. C’est un taulier, un patron, quelqu’un qui prend des décisions. Un homme comme on aimerait en avoir un à la tête de notre pays. Il est bourré d’énergie, d’intelligence, de subtilité, d’humour et d’intentions heureuses avec les autres. C’est un bon vivant, quelqu’un qui aime la fête, la table. C’est un mec qui a des exigences, mais qui est très attentif avec les acteurs, car il sait qu’un acteur, ça ne se dirige pas. Pour lui, la direction d’acteurs se joue lors du casting.»

Acteurs

«J’ai une grande admiration pour eux, ils sont superessentiels dans mon travail. J’avais un acteur phare, Yves Montand. J’aimerais bien lui arriver à la cheville. On m’a souvent comparé à Lino Ventura, mais je ne pense pas que cela soit dans le jeu. C’est plus dans les valeurs, le comportement. Montand dans César et Rosalie, c’est ce qu’on fait de mieux. Il y a aussi Z, L’aveu. Et après, il s’est quand même coltiné Louis de Funès dans La folie des grandeurs, il fallait le faire. Montand, comme Piccoli, c’est un acteur dont vous enviez le talent. Avant, quand les spectateurs avaient envie de voir leurs acteurs, ils devaient aller dans les salles. Il n’y avait pas de DVD, les films passaient à la télévision trois ans après leur sortie. Il y avait peu d’interviews, mais quelques grands journalistes de cinéma, François Chalais, France Roche, qui savaient de quoi ils parlaient. Aujourd’hui, on est interviewé par Arthur, ça ne le fait pas. Il ne sait pas de quoi il parle. On a banalisé un boulot qui doit faire fantasmer.»

Râleur

«Je ne râle pas, je commente. Le problème, c’est qu’on nous pose des questions sur tout et qu’il faut bien répondre. Et, en ce qui me concerne, je ne vis pas dans un monde qui m’amuse. Le monde est horrible et je rêve de mieux que ça quand je vois tout ce qui se passe un peu partout. Donc, oui, on peut dire que je râle. Mais ça me semble nécessaire. C’est une façon de se soulager. De là à avoir cette image, ça ne me pose pas de problème puisqu’il faut bien en avoir une. Et ça me rend service, parce quand il y a un rôle de bougon, comme dans le film de Becker, je ne le loupe pas.»

Discrétion

«Je n’ai pas une vie qui suppose d’être remarqué. Même quand je travaille, je ne sors pas, parce que je suis fatigué. C’est sûr que si tu vas en boîte, là où les gens s’autorisent à filmer des mecs bourrés, c’est plus compliqué. Les gens se foutent de ma vie perso, et ils ont bien raison. Mais c’est clair que si tu changes de fiancée tous les quatre jours, c’est autre chose. J’ai entendu un journaliste de Voici dire que si untel l’avait invité à son mariage, il ne voyait pas pourquoi il ne serait pas là pour son divorce. Chacun écrit son histoire, tout est possible à partir du moment où tu sais ce que tu fais et ce que tu vends. Moi, je ne vends pas une vie dissolue. J’ai la chance d’avoir une famille qui me fait du bien, et cette vie est inintéressante pour les autres. Je suis plus fort à l’écran que dans la vie. Mon quotidien n’est pas extraordinaire. Je me lève le matin et, si je ne travaille pas, j’essaie de m’occuper. Parfois je m’amuse, parfois je m’emmerde.»

Séducteur

«On ne refuse pas l’idée de plaire, ce serait grotesque quand on fait un métier de représentation. Je suis coquet, je porte des bagues, mais ça, c’est aussi parce que je fréquente avec mon fils Manu la musique, le rock’n’roll. Ce qui te rend attirant, ce n’est pas que le physique, c’est ce que tu dégages. Et si tu dégages quelque chose de bien, les filles le remarquent. C’est en étant bien dans tes pompes que tu deviens beau. Et, grâce à Dieu, le métier que je pratique depuis trente-cinq ans m’a rendu bien dans mes pompes.»

«Bon rétablisse-ment». De Jean Becker. Avec Gérard Lanvin, Fred Testot et Jean-Pierre Darroussin. France, 1 h 21. Sortie le 17 septembre.


Les mâles du cinéma français

Gérard Lanvin cite Yves Montand comme modèle, mais c’est plus à un Alain Delon qu’il fait penser. Moins pour sa filmographie que pour son côté séducteur et viril, et surtout pour ses mémorables coups de gueule. Comme Delon, Lanvin n’a jamais hésité à critiquer la «grande famille du cinéma», qui aime s’autocélébrer mais n’est pas avare en mesquineries, comme lui, il dit ce qu’il pense, quitte à insulter les journalistes.

A l’instar de Gérard Lanvin, Richard Berry a toujours su rester en marge, secret. Ils sont tous deux nés en 1950, à un mois d’intervalle, et représentent l’idée que se font plusieurs générations de femmes du sexygénaire. Mais là où Lanvin cultive une image de rockeur loubard, Berry est plutôt un post-dandy aux relents bobo.

Râleur, mais juste. C’est la première image qui vient en tête lorsqu’on évoque Tchéky Karyo. Opposé à Lanvin dans Les Lyonnais, il est tout aussi crédible en flic qu’en criminel et sait aussi bien jouer les indécrottables râleurs que les durs au cœur tendre. A l’opposé des acteurs intellos, comme Dussollier, Arditi ou Luchini, Karyo et Lanvin incarnent le mâle viril proche de la terre et du peuple.

Parmi les acteurs plus jeunes, Vincent Cassel est l’un des seuls à incarner l’idée que l’on se fait du mâle alpha au charme animal. Il a croisé Lanvin sur le plateau de Mesrine, l’ennemi public No 1, comme son aîné il est particulièrement à l’aise dans le polar.

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