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En attendant l’amour monstre

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Jeudi, 28 Août, 2014 - 05:58

Théâtre. La Lausannoise Marielle Pinsard revisite «Le roi Lear» de Shakespeare, du point de vue des trois filles du souverain. Un reflet baroque, pop et dévorant de notre époque obsédée par l’amour.

Qu’est-ce que l’amour? Le roi promet son royaume à celle de ses filles qui lui donnera la plus grande preuve d’amour. Chez la metteuse en scène Marielle Pinsard, Lear devient un peu Fritzl, le pervers autrichien, séquestrant sa progéniture dans un palais et en abusant à loisir. Un retournement, sous l’angle féminin, de la tragédie de Shakespeare.

Un père peut-il épouser sa fille? Pourquoi pas, si le roi le veut, et si sa nature l’y pousse. En face de lui, Régane, beauté à barbe (Lear aurait tant aimé avoir un fils); Goneril, la plantureuse, qui ne voit pas d’objection à jouer à dada avec daddy, ni à le recevoir dans son lit; et Cordélia, lucide jusqu’à la folie, qui «aime trop son père pour l’épouser». L’adaptation de Marielle Pinsard parle de cela, l’amour-symbiose, une des maladies de notre temps. «On est de plus en plus seuls. La seule chose que l’on attend, c’est l’amour, pour remplir toutes les cases», commente la metteuse en scène.

La pièce explore un autre thème: l’épanchement des instincts brutaux et animaux. Car Lear veut mettre à bas la culture, pour privilégier la nature. Il finira d’ailleurs en satyre, des sabots de bouc à la place des pieds. «On parle beaucoup du retour à une hypothétique nature… Sous prétexte de laisser parler notre «nature», on voit à quels débordements on s’expose, notamment l’émergence d’une nouvelle parole raciste. Pour l’extrême droite, on n’a pas besoin de la culture, elle coûte trop cher et ne sert à rien. Que se passerait-il, dans un monde où elle serait absente?» Son roi Lear en donne une réponse.

Une pièce qui vous regarde

Les filles du roi Lear ou la véritable histoire de Rihanna est une sorte d’opéra qui voit se télescoper musique pop et théâtre baroque. Oui, vous avez bien lu, il s’agit de la lascive star de R’n’B dont le nom retroussé donne «Arianna», la mythique prisonnière du dédale. La chanteuse métisse est le fil rouge de cette histoire d’amour monstre. Les trois sœurs fantasment cette quatrième héritière, la préférée du père, qui serait retenue prisonnière d’un labyrinthe. Nous sommes dans l’esprit baroque, qui mêle people contemporains et dieux antiques. La greffe prend et donne des fruits vénéneux. Marielle Pinsard, qui avait déjà fait référence à la starlette Paris Hilton dans une adaptation d’Andromaque de Racine (Pyrrhus Hilton, en 2007), aime mêler les genres.

Au bout du compte, ce spectacle très personnel procure un plaisir théâtral évident. La qualité des acteurs et la présence de chanteurs baroques sur le plateau n’y sont pas étrangères. Le regard vers le passé se double du regard sur notre société, ses mythes et ses névroses. Il ne manquera pas de résonner en chaque spectateur, selon son vécu. «Chacun reconstruit l’histoire en fonction de son histoire. C’est la pièce qui nous regarde.»

«Les filles du roi Lear ou la véritable histoire de Rihanna».
De Marielle Pinsard. Avec Tiphanie Bovay-Klameth,
Julie Cloux, Pierre Laneyrie, Diane Muller,
ainsi que les solistes de l’Académie vocale de Suisse romande.
Lausanne, Arsenic, sa 30 août. Reprise du 26 septembre au 4 octobre. Et à La Bâtie – Festival de Genève, du 5 au 9 septembre.

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Darrin Vauselou
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