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Jura série d'été: la petite Gilberte, grande égérie de Courgenay

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Mercredi, 6 Août, 2014 - 05:44

Chanson. La petite Gilberte travaillait comme serveuse à l’hôtel de ses parents à Courgenay. Touché par l’humanité qu’elle manifestait envers les soldats et leurs officiers, un musicien lui écrit un air. Cent ans après, les militaires continuent à fredonner le nom de la jeune fille.

Elle est partout. Et ce, dès la sortie de la gare. Rue, hôtel, café, restaurant: tout porte son nom. «La petite Gilberte, c’est un peu comme un logo ici», s’amuse la guide, Liliane Vindret. Et de nous montrer cette pancarte en noir et blanc portant aussi le nom de Gilberte, à l’entrée de cet hôtel. «C’est ici qu’elle a habité la plus grande partie de sa vie. Là où elle est devenue célèbre.»

En quelques pas, on traverse la rue qui sépare la gare de l’hôtel. Il suffit ensuite de monter les quelques marches fleuries d’hortensias rouge cerise pour se retrouver devant l’entrée. La porte s’ouvre sur un bar et quelques tables. Là encore, Gilberte Montavon est partout. Tableau, photos, livres, cartes postales… Une horloge ancienne attire le regard. Elle avait appartenu au père de la jeune femme, autrefois horloger. Seuls deux exemplaires existent encore.

Aujourd’hui, l’hôtel, qui a été rénové tout en restant fidèle à son apparence des années 1910, est géré par Jacqueline Boyard. Des touristes, surtout venus de Suisse alémanique, y séjournent pour découvrir l’histoire de la petite Gilberte.

Une histoire qui débute pendant la Grande Guerre, quand le père de la jeune fille achète l’établissement. Elle y travaille comme simple serveuse, mais avec ce petit plus qui la rendra célèbre: son sourire et son humanité touchent tout un chacun en ces années sombres.

Nous sommes le 11 octobre 1917. Un homme au crâne dégarni et guitare à la main pousse la porte de l’hôtel. C’est Hanns in der Gand, le musicien. Il connaît la petite Gilberte depuis 1915 et la voit sympathiser avec les soldats. Il l’observe, allant de table en table, demandant des nouvelles de leur famille, se rappelant chaque prénom et tous leurs problèmes.

«Combien de soldats et d’officiers connaissez-vous, Gilberte?» lui demande-t-il, curieux. «Trois cent mille soldats et tous les officiers!» lui répond-elle avec autant d’amusement que de spontanéité. Sa répartie inspire Hanns in der Gand. C’est décidé, il écrira une chanson sur cette étonnante jeune femme! «C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay, elle connaît trois cent mille soldats et tous les officiers…» La chanson que vont chanter des générations de Suisses alémaniques est née.

Le souvenir ému du père Piquerez

Le restaurant a conservé cette grande salle avec vue sur le jardin. C’est ici que les concerts avaient lieu lorsque la famille Montavon dirigeait l’hôtel. Et c’est aussi ici que la chanson qui a immortalisé la Gilberte a été chantée pour la première fois.

Davantage de photos décorent les murs. On la découvre avec les soldats, avec ses sœurs, dans son enfance, puis à Zurich après son mariage… Et, sur chacune, on la voit avec ses cheveux noirs en bandeau. Ce qui, à cette époque, avait ému le père Piquerez, encore étudiant. N’avait-il pas déclaré: «Elle était belle… Elle était bonne… Elle était jolie et gentille, tout en sachant d’un mot vous faire comprendre que, si l’amour est douce chose, on ne plaisante pas sur ce chapitre.»

Quand l’oubli s’installe

Toujours intrigués par la vie de Gilberte, nous voulons savoir où elle est née, où elle a passé son enfance. Est-ce vraiment au bout de la rue qui porte son nom, dans cette maison de trois étages abandonnée, vitres fissurées, volets cassés? A Courgenay, personne ne peut l’affirmer avec certitude. On hésite, on nous dirige à droite et à gauche, on fouille dans les mémoires. Les habitants de Courgenay ont oublié qu’avant de vivre à l’Hôtel de la Gare, la petite Gilberte est née au chemin dit en Fontaine-Allée. Elle y a vécu jusqu’à ses 10 ans, jusqu’à ce que son père achète l’hôtel.

Un chemin qui se trouvait non loin de la rue Pierre-Péquignat. Un autre personnage célèbre de Courgenay. Il a été décapité en 1740 après avoir pris la tête des paysans révoltés contre la principauté de l’évêché de Bâle.

En contournant son buste sur la place de la mairie, on tombe forcément sur l’école où la petite Gilberte a suivi sa scolarité obligatoire. «Tabliers gris et doigts tachés de noir, elle s’est assise au pied des escaliers avec sa cousine Marthe. Comme à leur habitude, elles se sont confié leurs grands secrets de petites filles, s’inventant des langages codés et rigolant de tout», a écrit sa nièce, Eliane Chytil-Montavon.

En face, une autre fierté du village, l’église, connue pour ses vitraux colorés. Sur son fronton, on peut lire l’inscription «Deo erexerunt cives» (les citoyens l’ont érigée pour Dieu).
Aujourd’hui, la petite Gilberte est quasi inconnue en Suisse romande, et plus particulièrement auprès de la nouvelle génération. «Il y a des exceptions, assure Liliane Vindret. L’autre jour, j’étais dans le train Delémont-Porrentruy, et de jeunes Suisses alémaniques se sont mis à siffler le refrain lorsque nous sommes passés à Courgenay.»
Malgré tout, la guide jurassienne craint qu’au fil des années, l’histoire de Gilberte de Courgenay ne disparaisse de la mémoire collective. FS


Gilberte Montavon

Née en 1896 à Courgenay (JU), la petite Gilberte est morte en 1957 à Zurich. Serveuse à l’hôtel de ses parents pendant la Première Guerre mondiale, une chanson militaire lui sera dédiée. Elle représente toutes les jeunes filles qui aidaient leur famille dans les auberges au temps de la Grande Guerre.


A voir

Courgenay
Hôtel de la Gare
Incontournable pour se plonger dans la vie de la petite Gilberte et l’ambiance d’une région au cœur de la guerre 14-18. Le charme des années 1910 des sept chambres récemment rénovées a été préservé. Le restaurant propose des spécialités de la région.
032 471 22 22
www.lapetitegilberte.ch

Courgenay
Hôtel du Bœuf
Dans un cadre chaleureux, l’Hôtel du Bœuf possède dix chambres réparties en trois catégories. Au restaurant, la carte du terroir offre des plats variés qui mettent en valeur la cuisine régionale.
032 471 11 21
www.boeuf-courgenay.ch

Courgenay
Auberge de la Diligence
Cuisine franco-italienne. Antonio et Emica préparent des pâtes maison et diverses sauces.
032 471 11 65

Courgenay
Moulin de Paplemont
Situé entre Courgenay, Courtemautruy et Cornol, il a été construit en 1691. Le diamètre de sa roue est de 9 m 60, ce qui fait d’elle l’une des plus grandes de Suisse.
www.courgenay.ch

Courgenay
La Pierre-Percée
Le dolmen de la Pierre-Percée est un des plus importants souvenirs druidiques de la région. L’ouverture au cœur de la pierre a donné naissance à de nombreuses légendes.
www.courgenay.ch

Courgenay
Site de Derrière-Monterri
Dans ce site archéologique, plusieurs vestiges ont été mis au jour. Un village romain, des traces de l’âge de bronze et de l’âge de la pierre ont aussi été découverts. Appelé «camp de Jules César», il reste l’un des rares lieux à posséder des vestiges des temps modernes ainsi que du Moyen Age.
www.courgenay.ch


Sommaire:

L’enfance de Louis Chevrolet, entre pêche  à la carpe et bénédiction de biquette
Irène Joliot-Curie, réfugiée chez le préfet
Béguelin, l’incarnation d’une liberté
La petite Gilberte,  grande égérie de Courgenay

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Xavier Voirol / DR/ Photomontage L’Hebdo
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